Grand Frère

(Mahir Guven)

  Ma note : 17/20

  • Roman Contemporain
  • Papier

    Conseillé par une chronique de Juliette Arnaud

    4 citations dans ma p'tite bibli


    Bien que j'aie terminé ma lecture depuis plusieurs semaines, cette chronique a eu du mal à voir le jour. Quand un roman me touche vraiment, j'ai toujours du mal à le mettre en mots, et surtout à assembler mes ressentis de façon cohérente. J'espère y être parvenue.

    Grand frère est un ex-délinquant devenu chauffeur Uber en Seine-Saint-Denis. Petit frère est un ex-infirmier parti pour sauver des vies en Syrie. Tous deux sont franco-syriens, ni tout à fait Français ni vraiment Syriens, morcelés, n'appartenant finalement à aucune terre. Mais unis par un amour fraternel puissant, violent. Incandescent.

    L'un après l'autre, sans clichés ni fausse pudeur, ils se livrent. Le besoin viscéral, chacun à sa manière, de tout envoyer valser, de tout "niquer" pour changer le monde. Le manque de racines qui les étouffe progressivement. Et surtout l'absence. De leur mère décédée, de leur père dépassé, de leur grand-mère décrépite. Et surtout d'eux. Les frères incompris, séparés par la distance mais toujours ensemble par le c½ur. A travers leurs mots, la Syrie nous est servie sans jamais larmoyer, la Banlieue sans rabaisser, et l'Islam sans juger. Tout au long du récit on oscille entre espoir et résignation, le doute s'insinue. On glisse engourdi vers la fin inéluctable et pourtant...

    Le style de Mahir Guven est fort et juste, le langage "cité", mélange d'argot et d'arabe, véritable trait d'union entre les deux frères, ne sonne pas forcé comme dans d'autres ouvrages. Utilisé à bon escient il embrase le texte sans l'alourdir. Paradoxalement, j'ai trouvé harmonieux ce langage cru, parfois vulgaire ; j'irai jusqu'à oser dire qu'il relève de la poésie ! Comme quoi la littérature n'a pas besoin d'être classique pour être belle.

    S'attaquer à de tels sujets pour un premier roman, c'était un sacré défi, mais le résultat est là. Un récit d'une intelligence rare, qui ne tombe dans aucun des poncifs du genre. Monsieur Guven, je vous dis tout simplement, merci.


    Laisser un Commentaire

    Pour éviter les abus, les commentaires ne sont visibles qu'après modération. Promis, je fais au plus vite ;)