Le Temps de l'innocence

(Edith Wharton)

  Ma note : 17/20

  • Littérature Classique
  • Bibli

    6 citations dans ma p'tite bibli


    Oh, mais qu'il est bon ce bouquin ! Bien loin d’être une simple romance, sa force tient dans une galerie de personnages hyper représentatifs de leur époque et un contexte flirtant avec les prémices du féminisme, plus que dans son intrigue somme toute banale.

    L’innocence de ce temps n’est qu’un attribut de façade, incontournable chez les jeunes gens mais vite réduit en poussière au profit de sentiments contenus. Finalement la vraie innocence n’est pas là où on l’attendrait. Entre May, l'ingénue oie blanche, et Ellen, la femme de tête indépendante, la plus naïve est loin d'être celle que l'on croit. L'épouse en effet est clairvoyante derrière sa réserve, téméraire sous son masque de perfection, quand l'autre à force de franchise se trouve souvent à manquer de discernement. Le personnage de Newland lui est plus passif. Il a des convictions assez avant-gardistes, notamment en ce qui concerne les femmes, mais il n'a pas l’audace de les défendre et s'endort finalement dans la douce torpeur des conventions.

    Edith Wharton fait admirablement ressortir toute la superficialité des convenances, et toute la profondeur des convictions qui se cachent derrière. Elle dresse le portrait d'une société où l'apparence est reine, engoncée dans ses principes, qui n'a finalement pas tant évolué qu'on voudrait nous le faire croire. Aujourd'hui, on se persuade d’être libre, libre de tout faire, de tout avoir, mais finalement, n'est-on pas tout aussi aliéné par d'autres conventions ?

    Personnellement, je me sens complètement dans mon élément dans ce siècle aux codes redoutables et à la bienséance toute relative. A tel point que j’ai parfois la sensation de m’être trompée d’époque ! Cela peut sembler étrange en 2016, mais je trouve ce carcan presque rassurant. Nous vivons aujourd'hui dans un monde toujours plus rapide, où le moment présent prime sur le long terme. Mais à l'inverse, au XIXe siècle, l'endurance dominait le sprint. La raison dure plus longtemps que la passion, et si abandonner un amour scandaleux au profit d'une vie simple et sans heurts peut aujourd'hui sembler un grand sacrifice, à l'époque le ressenti était tout autre.

    J’ai savouré « Le temps de l’innocence » comme un bonbon acidulé, qui pique un peu la langue malgré le réconfort qu’il apporte. Lucides et sans ranc½ur, les mots d’Edith Wharton m’ont touchée au c½ur, comme ont pu le faire Zola et Flaubert dans mon jeune temps. Une vraie bouffée de nostalgie.


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