D'acier

D'acier, comme le métal en fusion qui coule du haut fourneau. D'acier, comme le lien qui unit Anna et Francesca. D'acier, comme le coup de poing dans le bide que ce roman m'a filé.

Peut-on vraiment qualifier de coup de c½ur un roman si fort, si douloureux ? Je ne sais pas, pour le moment je suis trop occupée à digérer mes émotions ! En tout cas une chose est sûre, Silvia Avallone n'est pas là pour faire de la figuration, et croyez-moi, on entendra parler d'elle ! Pour son premier roman, elle a choisi de placer l'action à Piombino, petite ville de la côte Toscane qui l'a vue grandir, et qui à première vue a tout pour faire rêver : la mer, le soleil, la plage de sable fin... Oui mais voilà, Sea, Sex & Sun ça ne suffit pas à effacer la misère. L'eldorado c'est en face, chez les riches : l'Elbe qui fait rêver, à quelques centaines de mètres et pourtant inaccessible.

Dans leur cité industrielle salement résignée, où l'apparen...

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L'élégance des veuves

Il était une fois, Valentine et Jules qui se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Il était une fois une jeune fille, une épouse, une mère, puis une trop jeune veuve, une belle-mère, une grand-mère. Il était une fois une femme, deux femmes, des femmes qui traversaient le siècle, chagrin après chagrin, joie après joie, toujours avec dignité, toujours avec élégance. D'elles on saura tout, d'elles on ne saura rien. De l'ivresse que procure la douceur d'une peau de bébé à l'infinie détresse provoquée par un deuil, leurs sentiments deviennent nôtres tandis que leur quotidien nous échappe.

Un texte raffiné, tout en pudeur et pourtant saisissant. Les mots d'Alice Ferney rendent les émotions tellement réelles, vivaces. Suffocantes. Plusieurs fois, la souffrance de ces femmes m'a broyé le c½ur, comme si c'était la mienne, au point d'en avoir du mal à respirer.

Telle une perle, ce livre est sobre et délicat. Telles les veuves qu'il esquisse, il est touchant et élégant. Et malg...

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La Marque de Windfield

Comme à son habitude, Ken Follet signe un bon page-turner qui, sans être époustouflant tient irrésistiblement son lecteur en haleine. La preuve : je l'ai dévoré en un week-end ce qui, avec deux enfants, un mari et un jardin, je vous l'assure est une gageure !

Dès les premières pages aucun doute possible, personnages tous plus manichéens les uns que les autres et cordes évidentes (à ce stade on ne peut plus parler de ficelles) : on est bien dans un roman de Ken Follet... qui semble avoir un peu de mal à se renouveler ! Bien que l'époque soit différente, je ne peux m'empêcher de trouver à « La marque de Windfield » un sacré air de ressemblance avec « Les piliers de la Terre » : une mère manipulatrice prête à tout pour mettre en avant son couard et influençable héritier de fils, deux jeunes héros beaux (vous avez déjà vu un gentil moche vou...

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La cote 400

Quel plaisir jouissif que de plonger dans la prose déjantée de Sophie Divry !

Ce court roman n'est que le long monologue d'une bibliothécaire tatillonne, férue d'ordre et de culture. Mordante, cynique, un brin condescendante ; impétueuse, sans ambages, parfois excessive, souvent contradictoire mais toujours spontanée, c'est une véritable tempête mentale qu'elle nous fait partager. Page après page son armure se fendille, laissant entrevoir derrière la silhouette discrète de la responsable du rayon urbanisme et géographie, une femme incomprise, blessée par la vie.

De la classification décimale de Dewey à la Révolution française, en passant par l'histoire d'Eugène Morel, l'initiateur des bibliothèques modernes, Maupassant et Flaubert, les nuques ou encore l'appauvrissement culturel actuel, l'éventail des sujets abordés est sacrément hétéroclite ! Mais sous des dehors badins, l'analyse est éloquente et très juste. C'est spirituel, c'est cultivé, c'est br...

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Noces de neige

Irina part de Moscou pour aller rejoindre Enzo à Nice. Anna et sa famille prennent le train à Nice pour rentrer dans leur palais de Russie. Si plus d'un siècle les sépare, les destins de ces deux femmes vont finir par s'effleurer...

La plume de Gaëlle Josse est vraiment savoureuse. Aérienne et d'une grande sensibilité, elle fait chanter les mots, colore les sentiments, sculpte les personnalités. Alliant avec justesse roman et poésie, elle crée un ensemble envoutant, d'une force incroyable malgré sa brièveté.

Pour tout dire, j'ai trouvé à ces Noces de Neige un petit quelque chose du grand Stefan Zweig. Inutile d'en dire plus, je vous laisse découvrir par vous-même la magie des mots de Gaëlle Josse, une auteure qui gagne vraiment à être connue.

Pivoine

J’ai été très étonnée par ce roman qui est loin d’être ce à quoi je m’attendais. Chez Pearl Buck, ce sont toujours les personnages qui font le roman. Mais si le plus souvent c’est une femme qui en est au c½ur, on s’écarte ici du chemin habituel en s’attardant sur les états d’âme d’un homme. Car même si Pivoine n’est jamais loin, c’est bien David qui tire le récit, tiraillé entre son appartenance au peuple Juif et son attirance pour la Chine et ses plaisirs.

Comme dans Vent d’Est, Vent d’Ouest, la rencontre des cultures – et même des religions – est le sujet de fond, mais ce qui était un choc frontal devient dans la maison d’Ezra une fusion lente, la joie de vivre et la sagesse chinoise étouffant l’éternelle tristesse juive.

Quant à Pivoine, la « petite esclave chinoise » an...

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Le Nom de la rose

Ma première rencontre avec Umberto Eco ne fut pas une réussite. Un bac blanc de français, un horrible voyage avec un saumon (1) et une très mauvaise note plus tard, j'éprouvai pour lui une forte aversion qui me tint éloignée de ses écrits pendant plus de 20 ans ! Et puis, comme on dit, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis ; alors contrairement à mes habitudes, j'ai cédé aux sirènes de la médiatisation qui,  depuis qu'il a eu le culot de disparaître ne tarissent plus d'éloges sur cet immense génie – mais combien de ces journalistes éplorés avaient déjà posé les yeux sur un de ses textes auparavant ?! – et j'ai donc ouvert avec une appréhension non dissimulée « Le nom de la rose ». Et je l'ai lu. Et j'ai aimé !

Dire qu'on est en présence d'un roman facile à lire serait un mensonge plus qu'éhonté. Umberto Eco est un linguiste de génie qui n'hésite pas à ...

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La honte

Si vous cherchez une aventure, un drame, un roman linéaire plein de rebondissements, alors vite, passez votre chemin ; Annie Ernaux n'écrit pas pour vous ! En revanche, si les usages du temps de vos parents (ou de vos grands-parents) vous intriguent, si vous aimez trouver les mots qui décrivent des sensations, des ambiances ; si vous aimez réfléchir sur les autres, et aussi sur vous-même, alors je vous enjoins à plonger tête baissée dans ses mémoires.

Dans « La honte », elle revient sur un épisode traumatisant de son enfance ; quelques minutes sans conséquences visibles, mais qui la hanteront encore et toujours. C'est là qu'elle prend conscience que sa vie est hermétiquement scindée entre l'enseignement d'excellence d'un côté, et l'épicerie familiale de l'autre. Elle encaisse alors de plein fouet la honte de se découvrir une vie de famille populaire, presque vulgaire en comparaison de l'exigence toute catholique de l'école privée. L'image de la mère apparai...

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Appelez la sage-femme

L'histoire de l’obstétrique est loin d'être une découverte pour moi. Ce sujet m'est cher et j'en suis donc assez familière. Néanmoins, si cette autobiographie ne m'a rien appris que je ne savais déjà, je l'ai trouvée très bien construite et intéressante. J'ai grandement apprécié l'absence de moralisation, notamment sur les pratiques passées. Certes, la médecine a terriblement progressé au cours du siècle dernier, et Jenny Lee le sait puisqu'elle a vécu ces évolutions. Mais elle garde tout de même un regard ouvert sur ses jeunes années de sage-femme, allant jusqu'à s'interroger sur le bien fondé de certaines pratiques actuelles, et sur la dépossession de l'autorité des familles en matière de naissance.

Par ailleurs, plus qu'une simple histoire de sage-femme, ce récit témoigne des conditions de vies dans l'East-End londonien des années 50. Conditions de vies difficiles, parfois glaçantes tant la misère et la promiscuité étaient encore marquées dans certains quartiers. Le...

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La renarde

Il était une fois, une petite fille qui rêvait devant la bibliothèque paternelle. Elle papillonnait devant tant d'invitations au voyage, mais toujours, une même couverture hypnotique retenait son attention : Une jeune fille rousse, à la fois sombre et sauvage, au regard perdu, accompagnée d'une renarde aussi rousse qu'elle. Qui était-elle ? Pourquoi semblait-elle si triste ? Des questions auxquelles son jeune âge (ou bien était-ce son père ?) n'autorisait pas de réponses.
Le temps passa, la petite fille devint une femme, ses lectures s'amoncelèrent, mais le regard perdu de la jeune fille rousse ne la quitta jamais, bien que le livre fut égaré, certainement au cours d'un déménagement. Alors quand un jour, sur les rayonnages discrets d'une petite librairie, leurs regards se croisèrent à nouveau...
La renarde est un roman méconnu et pourtant, il est digne des plus grands du genre. On trouve chez Hazel Woodus un mélange harmonieux de l'i...

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